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Bail commercial : le preneur doit-il informer le bailleur des désordres qu’il constate ?  

Le 28 novembre 2021
La responsabilité d'un bailleur ne peut voir sa responsabilité engagée pour violation de son obligation de délivrance s'il n'a pas été informé des désordres survenus dans les locaux loués et n'a donc pas pu engager les travaux nécessaires

x termes de l’article 1719 du Code civil, le bailleur a l’obligation de délivrer au locataire des locaux conformes à la destination contractuelle tout au long du bail. Il doit donc remédier aux vices cachés et, en cas de désordres non imputables au preneur, effectuer les travaux nécessaires pour remédier aux désordres rendant les locaux impropres à leur exploitation.

Encore faut-il que le bailleur ait connaissance des désordres, ce qui pose la question de l’obligation d’information du locataire

En 2020 et 2021 la Cour de Cassation a rendu deux décisions apparemment contradictoires

2020 : arrêt du 9 juillet 1920 n° 19-12.836

Par cet arrêt la Cour a jugé qu’une cour d’appel avait pu, à bon droit, dire que « le bailleur se doit, en exécution de son obligation de délivrance,  de veiller de façon constante, et sans même avoir à être informé par le preneur de la nécessité de travaux à effectuer, à l’entretien de l’immeuble » et ce alors même que le bail obligeait le locataire à informer le bailleur de « toute atteinte portée à la propriété et de toute dégradation et détérioration qui viendrait à se produire dans les locaux loués et qui rendrait nécessaires des travaux incombant au bailleur »

En l’espèce le bâtiment agricole loué par le preneur s’était effondré sous le poids de la neige, en raison de la corrosion de sa structure métallique.

Le preneur ayant sollicité des dommages et intérêts du fait du manquement de son bailleur à son obligation de délivrance, celui-ci avait fait valoir que le locataire avait commis une faute en ne l’informant pas de la dégradation de la structure du bâtiment et de la nécessité d’effectuer des travaux.

Pour le bailleur, la violation fautive de l’obligation contractuelle d’information pesant sur le Preneur, devait l’exonérer de sa responsabilité, dès lors qu’il n’avait pas été mis en mesure de procéder aux travaux qui auraient permis au bâtiment de supporter le poids de la neige.

En rejetant le pourvoi du bailleur, la Cour de Cassation a donc jugé dans son arrêt qu’il appartenait au bailleur de veiller à l’état des locaux loués, y compris en absence de réclamation ou d’information du preneur.

En cela, l’arrêt de 2020 semble avoir été contredit par l’arrêt de 2021 dont il va être parlé ci-dessous.

Toutefois, dans le cas d’espèce, la cour d’appel et la Cour de Cassation ont pris soin de préciser que la corrosion de la structure métallique était déjà visible avant la signature du bail, de sorte que le bailleur, qui ne pouvait l’ignorer, aurait dû surveiller par lui-même son aggravation éventuelle et prendre l’initiative des travaux nécessaires.

2021 : Cass 13-10-2021 n° 20-19.278 

A l’opposé, par cet arrêt la Cour de Cassation a jugé qu’une cour d’appel avait pu, à bon droit, refuser de prononcer la résiliation judiciaire d’un bail, sollicité par le preneur après que la fermeture administrative des locaux ait été ordonnée à la suite de l’affaissement de la charpente.

Pour la Cour de Cassation, en effet, en cas de vice apparu en cours de bail « que seul le locataire est à même de constater, la responsabilité du bailleur ne peut être engagée que si, informé de la survenance du défaut, il n’a pris aucune disposition pour y remédier » 

Or en l’espèce, non seulement, il n’était pas démontré que le vice était apparu avant la signature du bail mais au surplus, le preneur avait attendu deux ans pour en informer le bailleur, qui, avait alors sollicité le preneur afin de pouvoir effectuer les travaux sans que son locataire n'en tienne compte.

On le voit, apparemment opposés, ces deux arrêts disent en fait la même chose : le bailleur ne peut être tenu que de ce dont il est informé, soit que le désordre ait été connu de lui, dès avant la signature du bail, soit, qu’apparu en cours de bail, il en ait été informé par le preneur.

N'hésitez pas à prendre conseil

Delphine Berthelot-Eiffel

Avocat - Paris - Droit immobilier