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Bail d’habitation : contrôle du motif de la reprise et sanction du congé frauduleux

Le 08 février 2017

Que peut contrôler le juge après un congé pour reprise ?

L’article 15 de la Loi du 6 juillet 1989 permet au bailleur d’un logement loué pour la résidence principale du locataire, de le reprendre pour y habiter ou y loger son conjoint, ses ascendants ou descendants.

La loi ALUR a renforcé le formalisme du congé pour reprise  en imposant au bailleur de préciser le nom du bénéficiaire dans le congé et a cherché à lutter contre les opérations jugées spéculatives, en ne permettant à l’acquéreur d’un appartement loué de ne le reprendre qu’au bout d’un minimum de deux années après son acquisition.

L’article 15-I de la Loi du 6 juillet 1989 est en effet maintenant rédigé comme il suit :  

I. ― Lorsque le bailleur donne congé à son locataire, ce congé doit être justifié soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux, notamment l'inexécution par le locataire de l'une des obligations lui incombant. A peine de nullité, le congé donné par le bailleur doit indiquer le motif allégué et, en cas de reprise, les nom et adresse du bénéficiaire de la reprise ainsi que la nature du lien existant entre le bailleur et le bénéficiaire de la reprise qui ne peut être que le bailleur, son conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité enregistré à la date du congé, son concubin notoire depuis au moins un an à la date du congé, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint, de son partenaire ou de son concubin notoire. Lorsqu'il donne congé à son locataire pour reprendre le logement, le bailleur justifie du caractère réel et sérieux de sa décision de reprise. Le délai de préavis applicable au congé est de six mois lorsqu'il émane du bailleur.

En cas d'acquisition d'un bien occupé :
- lorsque le terme du contrat de location en cours intervient plus de trois ans après la date d'acquisition, le bailleur peut donner congé à son locataire pour vendre le logement au terme du contrat de location en cours ;
- lorsque le terme du contrat de location en cours intervient moins de trois ans après la date d'acquisition, le bailleur ne peut donner congé à son locataire pour vendre le logement qu'au terme de la première reconduction tacite ou du premier renouvellement du contrat de location en cours ;
- lorsque le terme du contrat en cours intervient moins de deux ans après l'acquisition, le congé pour reprise donné par le bailleur au terme du contrat de location en cours ne prend effet qu'à l'expiration d'une durée de deux ans à compter de la date d'acquisition.

En cas de contestation, le juge peut, même d'office, vérifier la réalité du motif du congé et le respect des obligations prévues au présent article. Il peut notamment déclarer non valide le congé si la non-reconduction du bail n'apparaît pas justifiée par des éléments sérieux et légitimes.

On ne sait pas encore comment les juges vont utiliser leur faculté de contrôle d’office de la réalité du motif.

Il est possible que cette faculté de contrôle impose à l’avocat du bailleur désirant obtenir l’expulsion du locataire resté dans les lieux après un congé pour vendre de fournir une expertise du logement, même en absence de contestation du preneur sur le montant du prix offert.

Peut-être les juges saisis d’une demande d’expulsion du locataire suite à un congé pour reprise voudront-il trouver dans les dossiers qui leur seront présentés, un élément justifiant le besoin de logement du bénéficiaire annoncé de la reprise (par exemple, par la preuve d’une naissance à venir justifiant le besoin d’un logement plus grand ou la réception d’un congé imposant au bénéficiaire de trouver un autre logement ou une embauche justifiant la nécessité d’un déménagement dans la ville de situation du logement repris etc)

Poussé à l’extrême, ce contrôle pourrait conduire à exclure le congé pour reprise donné au profit d’une personne ayant les moyens de se loger autrement.

Gageons que ce n’est pas l’objectif, dès lors que le congé pour reprise a pour fondement la solidarité familiale.

Reste que pour l’instant, le contrôle du juge s’effectue bien souvent à postériori, lorsque le locataire, une fois parti, découvre que  le logement repris est resté inhabité.

Dans un arrêt du 15 décembre 2016, la Cour d’Appel de Paris, vient ainsi d’annuler un congé pour reprise après avoir constaté qu’il existait deux appartements libres dans l’immeuble appartenant en totalité au bailleur,  ce qui, selon la Cour, accréditait la thèse des locataires selon laquelle le bailleur n’avait jamais souhaité reprendre le logement pour lui-même, mais avait en réalité voulu libérer progressivement son immeuble pour le vendre.

Quelle est la sanction d’un congé pour reprise annulé ?

En pratique, il est difficile pour un locataire resté dans les lieux, de démontrer que le bailleur n’avait pas l’intention de reprendre le logement pour l’habiter ou y faire habiter un membre de sa famille au moment de délivrer le congé.

En effet, il est alors aisé pour le bailleur de répondre, qu’en restant dans les lieux, le locataire a empêché la reprise de l’appartement par le bénéficiaire du congé et qu’il ne saurait lui être fait un procès d’intention.

Pour autant, la démonstration d’une intention frauduleuse reste possible (par la fourniture, par exemple, d’une annonce de mise en vente de l’appartement)

Dans ce cas, l’annulation du congé conduit naturellement au renouvellement du bail pour une nouvelle durée de 3 ou 6 ans à compter de la date d’effet du congé annulé

Par contre, en cas d’annulation du congé après le départ du locataire, la Cour d’Appel de Paris a, dans la décision précitée, débouté les anciens locataires de leur demande de réintégration dans leur ancien appartement au motif que cette sanction n’est pas prévue par la loi et qu’une telle réintégration serait contraire à la nécessaire confiance devant exister entre bailleur et preneur.

Les règles applicables aux baux d’habitation sont particulièrement complexes

N’hésitez pas à me consulter

Maitre Delphine BERTHELOT-EIFFEL, Avocat à Paris, droit immobilier