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Indexation du loyer commercial : la Cour de Cassation met fin à la déraison

Le 28 juillet 2021
Indexation du bail commercial : la cour de cassation permet de maintenir l'indexation du loyer en écartant seulement les dispositions contraires à l'article L112-1 du Code monétaire et financier telles que les indexations limitées à la hausse

La Cour de Cassation vient en deux décisions de donner une portée mesurée à l’application de l’article L112-1 du code monétaire et financier

Rappel de l’enjeu

L’article L112-1 du code monétaire et financier dispose qu’«est réputée non écrite toute clause d’un contrat à  exécution successive, et notamment des baux de locations de toute nature, prévoyant la prise en compte d’une période de variation de l’indice supérieure à la durée s’écoulant entre chaque révision »

Il s’agit d’un article d’ordre public.

En application de cet article, la Cour de Cassation a donc jugé que doivent être réputées non écrites les clauses des baux commerciaux « limitant l’indexation à la hausse », « précisant que la mise en jeu de l’indexation ne pouvait permettre de ramener le loyer en dessous du loyer contractuel (clauses plancher) » ou encore la reproduction, dans un avenant venant intégrer des nouvelles surfaces au bail, de la clause d’indexation du bail initial, prévoyant un indice de référence fixe.

Ces clauses étant réputées non écrites et non seulement nulles, il a été jugé que le locataire pouvait agir en justice à tout moment, y compris plus de 5 ans après la prise d’effet du bail, sans que le bailleur puisse lui opposer la prescription de l’article 2224 du Code Civil.

Il était donc tentant pour les locataires dont le bail n’était pas renouvelé ou dont le bailleur voulait exiger la réalisation de tels ou tels travaux ou encore solliciter la résiliation ou la résolution du bail, de contester la validité de la clause d’indexation, pourtant souvent acceptée par lui en contrepartie d’une minoration du loyer contractuel, et ainsi obtenir la condamnation du bailleur à lui rembourser la différence entre le loyer indexé et le loyer contractuel.

L’arrêt n°20-12.345 du 11 mars 2021 pose la possibilité  de n’écarter que la disposition contraire à l’article L112-1 du Code monétaire et financier, tout en maintenant le principe de l’indexation du loyer.

En l’espèce, le bail prévoyait une clause plancher en ces termes : « la présente clause d’échelle mobile ne saurait avoir pour effet de ramener le loyer révisé à un montant inférieur au loyer de base »

La Cour d’Appel de Versailles du 5 décembre 2019 avait débouté le bailleur de sa demande de remboursement des loyers versés au titre de l’indexation en estimant que, si cette disposition devait être réputée non écrite, il n’y avait pas lieu de déclarer la clause d’indexation non écrite dans son entier, dès lors qu’il avait été à l’évidence de la commune intention des parties de prévoir une indexation annuelle du loyer.

Estimant que, ce faisant, la Cour d’Appel avait méconnu le caractère d’ordre public des dispositions de l’article L112-1 du Code monétaire et financier, le locataire s’était pourvu en cassation.

Fort sagement, la Cour de Cassation a rejeté le pourvoi, estimant que « ayant retenu, à bon droit, que seule l’indication d’un loyer plancher était contraire aux dispositions de l’article L122-1 du Code monétaire et financier et, souverainement, que l’article 8-8 du contrat était dissociable des autres dispositions de la clause d’indexation, qui exprimaient la commune intention des parties, la Cour d’Appel en a exactement déduit que seule la stipulation irrégulière devait être réputée non écrite »

 L’arrêt n°19-23.038 du 30 juin 2021 enfonce le clou

Dans le cas d’espèce, la clause d’indexation prévoyait l’indexation du loyer et du dépôt de garantie chaque année à la date anniversaire de la prise d’effet du bail, suivant la  variation de l’indice du 3ème trimestre de chaque année, l’indice de base étant celui du 3ème trimestre 2018, l’augmentation du loyer étant au surcroit limitée à 3% par an, les trois premières années.

Elle précisait par ailleurs que l’indexation ne pouvait s’appliquer qu’en cas de variation de l’indice à la hausse.

Le bailleur avait donc été condamné à rembourser 96.379 euros au locataire.

Pour réputer la clause non écrite, dans son entier, l’arrêt de la Cour d'Appel avait retenu que si, seule la limitation de l’indexation à la hausse était contraire à l’article L112-1 du code monétaire et financier, la limitation de l’augmentation à 3% les trois premières années ne pouvait s’expliquer que par l’absence de réciprocité de la variation, de sorte qu’il y avait lieu de juger la clause d’indexation comme indivisible et devant, dès lors, être réputée non écrite dans son entier.

La Cour de Cassation a donc cassé l’arrêt d'appel en ce qu’il a déclaré la clause non écrite dans son entier alors que selon l’article 1217 du code civil dans sa version antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, « l’obligation est divisible ou indivisible selon qu’elle a pour objet ou une chose qui dans sa livraison, ou un fait qui dans l’exécution, est ou n’est pas susceptible de division, soit matérielle, soit intellectuelle ».

Or, en l'espèce, il est clairement matériellement possible de faire jouer l’indexation selon la variation de l’indice à la hausse comme à la baisse,  en écartant seulement la disposition contraire à l’article L112-1, de sorte que  la Cour de Cassation a pu, à juste titre, relever que « seule la stipulation prohibée devait être réputée non écrite »

En d'autres termes et dorénavant le locataire ne pourra plus obtenir le remboursement de la part indexée du loyer mais seulement faire corriger le calcul de l'indexation selon la variation de l'indice, en conformité avec les dispositions de l'article L 112-1 du code monétaire et financier.  

Delphine Berthelot-Eiffel

Avocat