Qu’est-ce que le droit de délaissement ?
Le droit de délaissement est le droit institué par trois articles du code de l’urbanisme, permettant au propriétaire dont le bien immobilier vient à être frappé de certaines prescriptions d’urbanisme le privant d’en jouir librement de contraindre l’instigateur ou le bénéficiaire de ces prescriptions de lui acheter son bien.
Ainsi, par l’exemple, pour le propriétaire dont le terrain, bâti ou non, vient à être classé par un nouveau PLU en zone réservée à telle ou telle utilisation d’intérêt général (la création d’espaces verts, la réalisation d’un programme de logements sociaux, l’ouverture d’une nouvelle route etc ).
L’article L152-2 du Code de l’Urbanisme dispose en effet que :
« Le propriétaire d’un terrain bâti ou non bâti réservé par un plan local d’urbanisme en application de l’article L 151-41 peut, dès que ce plan est opposable aux tiers, et même si une décision de sursis à statuer qui lui a été opposée est en cours de validité, exiger de la collectivité ou du service public bénéficiaire duquel le terrain a été réservé qu’il soit procédé à son acquisition dans les conditions mentionnées aux articles L 230-1 et suivants.
Lorsqu’une servitude mentionnée à l’article L 151-4 est institué, les propriétaires des terrains concernés peuvent mettre en demeure la commune de procéder à l’acquisition de leur terrain dans les conditions et délais prévus aux articles L 230-1 et suivants »
De même, le propriétaire dont le terrain vient à être inclus dans une ZAC, peut, selon l’article L311-2 du code de l’urbanisme, mettre en demeure la collectivité publique ou l’établissement public qui a pris l’initiative de la création de la zone, de procéder à l’acquisition de son terrain dans les conditions de l’article L 230-1 du Code de l’Urbanisme
Selon les dispositions des articles L230-1 et suivants du Code de l’urbanisme, le propriétaire peut donc écrire à la collectivité ou l’établissement concerné afin de le mettre en demeure d’acquérir son bien, le destinataire ayant alors un an à compter de la réception de la mise en demeure pour se prononcer.
En cas d’accord, le prix doit être payé dans le délai de deux ans de cette même réception
A défaut d’accord, le juge de l’expropriation est saisi et se prononce sur le transfert ou non de la propriété et sur le prix de vente.
Que dit l’arrêt de la Cour de Cassation du 18 avril 2019 n°18-11.414
Dans cette affaire, un terrain est classé en espace réservé par la commune de Saint Tropez pour en faire un espace vert. Les propriétaires de ce terrain qui se voient ainsi privés de la possibilité de construire et d’en jouir décident de mettre en œuvre la procédure de délaissement. Faute d’accord sur le prix, le juge administratif est saisi, qui prononce le transfert de propriété et fixe un prix de 122.000 €.
25 ans plus tard, à l’occasion d’une modification du PLU, le terrain est classé en zone constructible et revendu par la Commune plus de 5.320.000€.
Estimant que ses parents avaient été spoliés, l’héritier des anciens propriétaires a saisi le Tribunal de Grande Instance de Draguignan, puis la Cour d’Appel d’Aix en Provence afin d’obtenir des dommages et intérêts sur le fondement de l’article L12-6 du code de l’Expropriation devenu l’article L421-1, selon lequel, si les immeubles expropriés n’ont pas reçu dans le délai de 5 ans de la déclaration d’utilité publique, la destination prévue ou ont cessé de recevoir cette destination, les anciens propriétaires ou leurs ayants droit à titre universel peuvent en demander la rétrocession.
L’exercice du droit de délaissement qui constitue une réquisition d’achat à l’initiative du propriétaire du bien réservé ne permettant pas au propriétaire de solliciter la rétrocession du bien sur le fondement de l’article L 421-1 du Code de l’Expropriation (ancien article L12-6), lorsqu’il appert que le bien réservé a été cédé dans le cadre d’un délaissement antérieurement à toute déclaration d’utilité publique en vue de l’expropriation, ou, lorsque la cession, bien qu’intervenant postérieurement à la déclaration d’utilité publique, ne fait pas référence à cette déclaration, le Tribunal, confirmé par la Cour d’Appel, a débouté l’héritier de sa demande
Tout en donnant raison aux magistrats du fond sur ce point, la Cour de Cassation a néanmoins cassé l’arrêt sur le fondement de l’article 1er du protocole additionnel à la Convention des Droits de l’Hommes et des Libertés Fondamentales, selon lequel toute personne a droit au respect de ses biens.
Maître Delphine BERTHELOT-EIFFEL
Avocat - Paris - immobilier