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LE CASSTE TETE DE LA PRESCRIPTION EN COPROPRIETE

Aujourd'hui
La prescription en droit de la copropriété : entre droit commun et spécificité

La prescription est un couperet. Une action en justice est prescrite ou ne l’est pas. Pour le demandeur, la sanction de la prescription est l’irrecevabilité. Si vous êtes demandeur et que le juge constate la prescription de votre demande, vous n’aurez plus que vos yeux pour pleurer. Il fallait agir avant. Si vous êtes défendeur et qu’à bon droit, vous évoquez avec succès la prescription de l’action du demandeur, vous pourrez vous réjouir. Quelle que soit votre éventuelle mauvaise foi et le bien-fondé de la demande adverse, le gong de la prescription vous aura protégé.

Comme rien n’est jamais simple en droit, les délais de prescriptions sont évidemment différents selon la nature ou l’objet de la demande et la question du point de départ de la prescription est crucial.

En copropriété, la prescription respecte pour partie le droit commun des règles posées par le droit civil mais comporte, pourquoi faire simple, des règles dérogatoires.

1. La prescription quinquennale et trentenaire du droit commun en copropriété

Le code civil prévoit essentiellement deux délais de prescription, la prescription quinquennale pour les actions personnelles, telles que les actions en responsabilité ou en paiement et la prescription trentenaire pour les actions réelles ayant trait à la propriété immobilière.

1.1 La prescription quinquennale des actions personnelles

Depuis la loi Elan du 23 novembre 2018, la prescription des actions personnelles entre copropriétaires ou entre un copropriétaire et le syndicat des copropriétaires, qui était de 10 ans, a été ramenée à la durée quinquennale de droit commun de l’article 2224 du code civil.

Ainsi, depuis cette date, l’article 42 alinéa 1 de la loi du 10 juillet 1965 soumet ces actions au délai quinquennal et son point de départ selon le droit commun.

Autrement dit, à l’article 2224 du Code Civil, selon lequel « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de l’exercer »

En copropriété, sont, par exemple, soumises à ce délai, les actions du syndicat en recouvrement des charges de copropriété contre les copropriétaires défaillants, les actions en répétition de charges indues, les actions en responsabilités pouvant intervenir entre copropriétaires ou entre le syndicat et des copropriétaires relativement à des manquements aux dispositions du règlement de copropriété relatives aux travaux, à la jouissance des lots ou des parties communes par exemple

A noter : lorsqu’un immeuble neuf est mis en copropriété en vue de la mise en vente des lots, le Syndicat des Copropriétaires pour les parties communes et chaque copropriétaire pour les parties privatives bénéficient de la garantie décennale des constructeurs.

1.2 La prescription trentenaire des actions réelles

Les actions réelles ayant pour objet le droit de propriété sur les lots ou les parties communes sont soumises à la prescription de droit commun de trente ans de l’article 2227 du Code Civil selon lequel « les actions réelles immobilières se prescrivent par trente ans à compter du jour où le titulaire d’un droit à connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de l’exercer »

Ainsi, en est-il des actions en nullité de la vente d’une partie commune à un copropriétaire, par exemple

A noter : les règles relatives à l’usucapion c’est-à-dire à l’acquisition de la propriété d’un d’un bien immobilier (d’un lot de copropriété ou d’une partie commune) s’appliquent à la copropriété. Ainsi un copropriétaire qui peut justifier de la possession d’une partie commune ou d’un lot de copropriété « abandonné », à la fois continue, non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire (article 2261 du code civil) pourra en revendiquer la propriété au bout de trente ou de dix ans de possession selon les dispositions de l’article 2272 de ce même code selon lequel « le délai pour acquérir la propriété immobilière est de 30 ans. Toutefois, celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble, en prescrit la propriété par dix ans

Ainsi par exemple: un copropriétaire, qui voyant le lot voisin (lot de placard, chambre de service etc) abandonné, en prend possession, et éventuellement, l’incorpore à son propre lot, en deviendra propriétaire au bout de trente ans, son propriétaire en titre qui, au bout de trente ans se souviendrait alors de ce bien, se trouvant alors privé de sa propriété.

Ainsi en est-il également lorsqu’un propriétaire installe une porte pour s’approprier un  bout de couloir commun, sans qu’aucun copropriétaire ne proteste pendant trente ans.

2. Les prescriptions propres à la copropriété

La plus connue des prescriptions particulières à la copropriété est celle des actions en contestation des décisions d’assemblée générale, qui est de deux mois à compter de la notification du procès-verbal de l’assemblée

2.1 La prescription de deux mois des actions en contestation des décisions d’assemblée générale

L’article 42 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965 mentionne « les actions en contestation des décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants dans un délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal d’assemblées, sans ses annexes. Cette notification est réalisée par le syndic, dans le délai d’un mois à compter de la tenue de l’assemblée.

Ce délai est un délai préfix, non susceptible de suspension.

Par exemple : un copropriétaire qui aurait voté contre la création d’un local vélos dans la cour de l’immeuble mais n’aurait pas assigné dans le délai ne pourrait pas soutenir que le vote cette décision constituerait un abus de majorité, contraire à ses intérêts propres, pour obtenir sa démolition, à défaut d’avoir pris l’initiative de la contester dans le délai de deux mois.

Ne pouvant être interrompue que par une assignation en justice, le copropriétaire qui bien qu’ayant voté contre une résolution n’aurait pas assigné dans le délai de deux mois de la notification pour solliciter son annulation serait irrecevable à en demander l’annulation par voie d’exception en défense à une procédure engagée à son encontre en exécution de cette résolution.

Par exemple : un copropriétaire qui aurait voté contre une résolution lui interdisant d’implanter une climatisation mais ne l’aurait pas contestée dans les deux mois de la notification du procès-verbal serait irrecevable à soulever l’irrégularité de ce vote en défense d’une action engagée par la copropriété pour obtenir sa condamnation à déposer la climatisation installée.

A noter : en absence de notification du procès-verbal, le délai de contestation est de 5 ans

La prescription quinquennale ou biennale de l’action en révision de la répartition des charges

Aux termes de l’article 12 de la loi du 10 juillet 1965, « chaque propriétaire peut poursuivre en justice la révision de la répartition des charges si la part correspondant à son lot est supérieure de plus d’un quart ou si la part correspondant à celle d’un autre copropriétaire est inférieure de plus d’un quart, dans l’une ou l’autre des catégories de charges, à celle qui résulterait d’une répartition conforme aux dispositions de l’article 10 » le Tribunal procédant à la nouvelle répartition des charges, s’il reconnait l’action fondée.

Une telle action est recevable pour tout copropriétaire dans les cinq ans de la publication du règlement de copropriété au fichier immobilier (article 12 alinéa 1) ou, par le propriétaire d’un lot, avant l’expiration d’un délai de deux ans à compter de la première mutation à titre onéreux de ce lot, intervenue depuis la publication du règlement au fichier immobilier » (article 12 alinéa 1)

2.2 La prescription d’un an de l’action en réduction du prix de vente pour erreur de superficie

L’article 46 de la loi du 10 juillet 1965 a institué l’obligation de mentionner la superficie des lots de copropriété (autres que les garages, caves, emplacement de stationnement ou lot de superficie inférieure à 8 mètres carrés) dans toutes les promesses unilatérales de vente ou d’achat ou tout contrat réalisant ou constatant leur achat.

Cet article prévoit que « si la superficie est supérieure de plus d’un vingtième à celle exprimée dans l’acte, le vendeur, à la demande de l’acquéreur, supporte une diminution du prix proportionnelle à la moindre mesure »

Il précise que cette action doit être intentée par l’acquéreur dans un délai d’un an à compter de l’acte authentique constatant la réalisation de la vente, à peine de déchéance.

3. L’imprescriptibilité de l’ordre public

L’article 43 de la loi du 10 juillet 1965 dispose que toutes clauses (du RCP) contraires aux dispositions des articles 1, 1-1, 4, 6 à 37, 41-1 à 42-1 et 46 et celles du décret pris pour leur application sont réputées non écrites.

Or, selon la jurisprudence, toute action visant à faire dire une clause contraire à l’ordre public est imprescriptible. De ce fait que ce soit en demande ou en défense, un copropriétaire peut toujours relever la non-conformité d’une clause du RCP pour demander au juge de la dire non écrite.

Rien n’est simple, comme toujours

Delphine Berthelot Eiffel