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Droit de préférence du locataire commercial en cas de vente des murs  

Le 29 décembre 2020
L'article L145-46-1 du Code de Commerce instituant un droit de préférence au profit du preneur, en cas de vente du local commercial, ne permet pas à l'agent immobilier de réclamer une commission au locataire exerçant son droit de préférence

CA Douai 28 mars 2019 N°17/03524

 

Quelles sont les dispositions de l’article L145-46-1 du Code de Commerce ?

Cet article introduit un droit de préférence permettant au locataire d’un local à usage commercial ou artisanal mis en vente par le bailleur d'acheter les murs du local loué par lui aux conditions offertes par le bailleur.

Cet article, qui bénéficie également aux locataires dont le bail est antérieur à l’entrée en vigueur de la loi Pinel de 2014, oblige le bailleur qui envisage de vendre, d’en informer son locataire en lui faisant parvenir une offre par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise en mains propres, précisant les conditions de la vente et le prix demandé et reproduisant les 4 premiers alinéas de l’article L145-46-1 du Code de commerce.

Le preneur a alors un mois pour accepter ou refuser l’offre reçue, son acceptation par lettre recommandée AR faisant naître un délai de deux mois pour réaliser la vente, à défaut de nécessité d’un prêt, ou de quatre mois, lorsque, dans son acceptation, le preneur précise avoir besoin d’un financement.

A défaut de réalisation de la vente dans les délais ci-dessus, le droit de préférence est réputé purgé et le vendeur peut librement vendre à un tiers.

Précision : dans l’hypothèse où, le preneur ne s'étant pas déclaré intéressé par l'offre reçue, le bailleur trouve acquéreur à un prix inférieur ou décide de baisser son prix, une seconde offre aux nouvelles conditions envisagées doit être notifiée au preneur, cette nouvelle offre ouvrant une seconde possibilité d’acquisition au preneur selon les mêmes délais.

Un droit d’ordre public mais non sans exceptions

Les dispositions  de l’article L 145-46-1 du code de Commerce sont d’ordre public, et ne peuvent donc faire l’objet d’aménagements contractuels, défavorables à son application. Elles s’appliquent par ailleurs de plein droit, même en absence d’une clause du bail en rappelant l’existence.

Pour autant, le droit de préférence institué n’est pas absolu.

Il n’a ainsi pas à s’appliquer en cas de vente au copropriétaire d’un ensemble commercial, ou de cession du local loué au conjoint du bailleur, ou à un ascendant ou un descendant du bailleur ou de son conjoint.

De même, le droit de préemption n’a pas à s’appliquer, sauf dispositions contractuelles plus favorables, en cas de vente unique de plusieurs locaux d’un même ensemble commercial, de vente unique de plusieurs locaux commerciaux distincts loués à des locataires distincts (TGI paris 24 janvier 2020 n°18/08952), ou en cas de cession globale d’un immeuble comprenant au moins un local  commercial (réponse ministérielle AN 14-8-2018 N°5054)

Enfin, le droit de préférence ne s’applique pas en cas de vente ordonnée par la justice, qu’elle soit amiable ou aux enchères (Cass 17 mai 2018 n°17-16.113)

Droit de préemption ou droit de préférence ?

L’article L 145-46-1 du code de commerce ne qualifie pas le droit institué. Il ne parle ni de droit de préemption, ni de droit de préférence.

Le litige objet de l’arrêt commenté posait la question de la possibilité pour l’agent immobilier d’obtenir le paiement de sa commission en cas d’exercice de son droit, qualifié de “droit de préemption” par le locataire en place.

Dans le cas d’espèce, le propriétaire avait mis en vente les mur d’un local commercial et reçu l’offre d’un tiers pour une acquisition au prix de 240.000 euros augmenté une commission d’agence de 24.000 euros, avant de procéder à la notification prévue à l’article L145-46-1 du Code de Commerce.

Le locataire ayant décidé d’exercer son droit d’achat pour le prix de 240.000 euros et la vente ayant été passée sans paiement de la commission prévue à l’offre du tiers évincé, l’agence avait sollicité la condamnation du locataire au paiement de la commission dont le preneur avait été expressément informé par un courrier du notaire.

L’agence soutenait ainsi que la vente issue de l’exercice, par le locataire, de son droit de préemption ne pouvait se faire qu’aux prix et conditions de la vente initialement envisagée, incluant des frais d’agence

Déboutée en première instance, l’agence a vu le jugement rendu confirmé par la cour d’appel de Douai qui, reprenant les dispositions de l’article L145-46-1 du Code de Commerce, a jugé que le propriétaire qui envisage de vendre son local commercial doit, préalablement, notifier au preneur une offre de vente qui ne peut inclure d’honoraires de négociation

La Cour écrit ainsi  que « le bailleur ne soit pas attendre une offre d’achat pour informer le preneur de la possibilité qu’il a de se porter acquéreur du local commercial, étant rappelé que l’article L145-46-1 ne fait pas mention de l’existence d’un droit de préemption mais d’une offre de vente au locataire qui bénéficie d’une droit de préférence sur tout autre acquéreur, ce qui exclut les frais d’agence »