Vous êtes ici : Accueil > Actualités > La possibilité de la prescription acquisitive d’une partie commune confirmée

La possibilité de la prescription acquisitive d’une partie commune confirmée

Le 09 septembre 2019
Immeuble en copropriété ; le propriétaire d'un lot de copropriété peut acquérir une partie commune par prescription acquisitive dès lors qu'il en a eu une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, à titre de propriétaire

Arrêt de la 3ème chambre civile du 11 juillet 2019 n° 18-17.771

 

Les articles 2261 et suivants du Code Civil : fondement juridique de l’usucapion

Article 2261 : “Pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire”.

Article 2262 :"Les actes de pure faculté et ceux de simple tolérance ne peuvent fonder ni possession ni prescription”

Article 2263 : "Les actes de violence ne peuvent fonder non plus une possession capable d'opérer la prescription. La possession utile ne commence que lorsque la violence a cessé".

Article 2264 : “Le possesseur actuel qui prouve avoir possédé anciennement est présumé avoir possédé dans le temps intermédiaire, sauf la preuve contraire”

Article 2265 : “Pour compléter la prescription, on peut joindre à sa possession celle de son auteur, de quelque manière qu'on lui ait succédé, soit à titre universel ou particulier, soit à titre lucratif ou onéreux”. 

Article 2266 : "Ceux qui possèdent pour autrui ne prescrivent jamais par quelque laps de temps que ce soit.Ainsi, le locataire, le dépositaire, l'usufruitier et tous autres qui détiennent précairement le bien ou le droit du propriétaire ne peuvent le prescrire."

Article 2270 : "On ne peut pas prescrire contre son titre, en ce sens que l'on ne peut point se changer à soi-même la cause et le principe de sa possession"

Les faits

1983 : acquisition par les époux E d’un lot de copropriété désigné au règlement de copropriété comme « au premier étage, en façade de la rue, avec accès par la cour intérieure, par des escaliers extérieurs et entrée particulière, un appartement »

Deux détails importants :

-   au jour de l’acquisition, la cour intérieure était clôturée et fermée par un portillon

-   la désignation ci-dessus ne mentionne nullement la jouissance privative de la cour et n’institue aucun droit de jouissance privative qui soit attachée audit lot

1983-2014 :

Les propriétaires de l’appartement utilisent seuls la cour et entretiennent seuls la clôture et le portillon

2014 :

Une assemblée de copropriété dont les propriétaires ne demandent pas l’annulation dans le délai e deux mois de l’article 42 de la Loi du 10 juillet 1965, fait injonction aux propriétaires de démonter les installations illicites sur les parties communes, dont le portillon.

8 mois plus tard, les propriétaires assignent le Syndicat des Copropriétaires afin de se voir reconnaître propriétaires de la cour par prescription acquisitive plus que trentenaire. 

2015 :

Le Tribunal de Grande Instance fait droit à la demande des propriétaires de l’appartement et le Syndicat des copropriétaires interjette appel

A l’appui de son recours, le Syndicat des Copropriétaires fait valoir :

-   que le règlement de copropriété est, au sens de la loi du 10 juillet 1965, un document d’ordre public qui s’impose à tous et que ce qui y est défini comme partie commune ne peut pas être l’objet de revendication privative.

-   que l’installation d’une clôture et d’un portillon sur les parties communes, contraire au règlement de copropriété, ne pouvait asseoir une possession paisible.

-   que n’ayant pas agi en nullité de la résolution leur ayant fait injonction de supprimer la clôture et le portillon, ils ne pouvaient valablement engager une procédure allant à l’encontre de la résolution votée et non contestée par eux

-   que nul ne peut prescrire contre son titre

2018 : La Cour d’Appel confirme le jugement rendu, approuvé en cela par la Cour de Cassation qui rejete le pourvoi du Syndicat des Copropriétaires en 2019

La Cour de Cassation confirme la possibilité d’acquérir une partie commune par prescription acquisitive

La Cour rejette en effet le pourvoi du Syndicat des Copropriétaires en ces termes :

"Attendu qu'ayant constaté que le règlement de copropriété ne conférait aux consorts E... aucun droit sur la cour litigieuse, partie commune, que ceux-ci n'entendaient pas prescrire contre leur titre mais contre les droits des autres membres du syndicat et que l'article 2270 du code civil n'était donc pas applicable, la cour d'appel, qui a constaté que, depuis 1983, M. et Mme E... utilisaient et entretenaient, seuls, cette cour, la clôture et le portillon, installés depuis 1968, et souverainement retenu, sans avoir à constater une interversion de titre, que ceux-ci, en se comportant en propriétaires, avaient accompli, sans interruption depuis plus de trente ans, des actes de nature à caractériser une possession paisible, publique, non équivoque, a pu en déduire que M. et Mme E... étaient fondés à se prévaloir de l'usucapion ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Delphine Berthelot-Eiffel 

Avocat - Paris - droit immobilier - copropriété - vente d'immeuble - acquisition