Cass 3ème 14 novembre 2019 n°18-17729
Laisser les clés dans la boite aux lettres du bailleur ne vaut pas restitution des lieux loués, de sorte qu'un locataire qui agit ainsi s'expose à ce que le bailleur puise exiger le paiement d'une indemnité d'occupation, jusqu'à ce que soit apporté la preuve de la restitution des clés
Peu importe que le locataire justifie de son déménagement ou de son installation dans un autre appartement.
Ainsi, la restitution des clés doit-elle être faite en personne au bailleur ou à son mandataire contre reçu ou par lettre recommandée AR adressée au bailleur ou à son mandataire.
Remettre les clés à un huissier ne vaut pas restitution du logement au bailleur
C'est déjà ce qu'a jugé la la Cour d'Appel de Versailles dans un arrêt du 28 mars 2017 n°16/00166.
Ainsi, la remise des clés à un huissier ne valant pas restitution, la Cour d'Appel de Versailles avait admis que le bailleur qui ne les avait récupérées qu'un mois plus tard chez l'huissier, était en droit de réclamer une indemnité d'occupation jusqu'à la date où les clés lui avaient été remises.
Allant dans le même sens, la cour de cassation vient de juger, par l'arrêt visé, que la restitution à un huissier venu faire l'état des lieux de sortie en absence du bailleur ne vaut pas restitution des clés au bailleur et ne fait donc pas courir le délai de deux mois dont dispose le bailleur pour restituer le dépôt de garantie, lorsque les locaux ne sont pas remis en état conforme.
Ainsi la Cour de Cassation a-t-elle cassé le jugement rendu par le Tribunal d'Instance qui avait condamné le bailleur à restituer le dépôt de garantie majoré de la pénalité prévue à l'article 22 de la loi du 6 juillet 1989.
Selon la Cour de Cassation en effet, le délai de deux mois consenti au bailleur pour restituer le dépôt de garantie ne peut commencer à courir qu'à la date de la remise des clés au propriétaire.
L'arrêt dispose ainsi :
Attendu que le dépôt de garantie est restitué dans un délai maximal de deux mois à compter de la remise en main propre, ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, des clés au bailleur ou à son mandataire ; qu‘à défaut de restitution dans les délais prévus, le dépôt de garantie restant dû au locataire est majoré d’une somme égale à 10 % du loyer mensuel en principal, pour chaque période mensuelle commencée en retard ;
Attendu que, pour condamner Mme D… à payer à MM. U…, Y… et J… une somme de 1 900 euros, le jugement retient que, si la remise des clés n’a pu avoir lieu directement entre les mains du bailleur lors de l’état des lieux de sortie le 7 juin, cette circonstance est due au fait de la bailleresse et non des locataires, Mme D… ne pouvant se prévaloir de ce décalage de date entre la fin du bail et le jour où elle a effectivement réceptionné ses clés chez l’huissier, et qu’en conséquence le solde du dépôt de garantie aurait dû être restitué le 6 août 2016 ;
Qu’en statuant ainsi, sans constater que les clés avaient été effectivement remises au bailleur en main propre ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, le tribunal a violé le texte susvisé ;
A noter toutefois, que dans un arrêt plus ancien, la Cour de Cassation avait admis que le bailleur qui s'était abstenu d'aller chercher les clés chez l'huissier à qui la locataire avait donné les clés, ne pouvait prétendre au paiement du loyer au delà de la date d'effet du congé (cass 4 février 2009 n°07-20980)
Delphine Berthelot-Eiffel
Avocat - Paris